ARACHIDE : Pour freiner la mort inéluctable de la filière : Les solutions des experts
Publié le 16 avril 2008
Principale locomotive de l’économie sénégalaise pendant un siècle et demi, l’arachide a toujours généré des ressources importantes. Mais, depuis les années 2000, la filière est confrontée à une grave crise qui s’est matérialisée par la chute vertigineuse de la production. De 1 million de tonnes pour la saison 2000/2001, la production a difficilement atteint les 30 000 tonnes lors de la dernière campagne agricole. De quoi susciter des interrogations, dans la mesure où l’arachide occupe une place de choix dans l’économie rurale de nombreuses régions du pays, particulièrement dans le Centre-Ouest. Pour tenter d’apporter des solutions à cette crise, l’antenne sénégalaise de l’Ong internationale ActionAid vient d’éditer un livre qui s’intitule : « L’arachide au Sénégal, Comment relancer la filière ». Dans cette étude, plusieurs experts se livrent à une analyse sans complaisance des maux de la filière tout en proposant des solutions.
Des experts qui s’accordent à pointer du doigt la politique du gouvernement qui, au cours des dernières années, a mis en œuvre un processus de désengagement total du secteur arachidier causant la baisse de la production industrielle du pays, l’augmentation du chômage et un déficit commercial croissant. Les paysans se sont, par la même occasion, vus confrontés à des conditions de production de plus en plus drastique où semences, engrais et assistance ont fait défaut.
Face à ce que l’ancien directeur de l’Institut sénégalais de recherche agricole (Isra) Jacques Faye qualifie d’absence de politique agricole, Moussa Dembélé du Forum social sénégalais, parle de « changement radical de politique ». Pour l’économiste Moubarack Lô, « l’Etat a pris une mauvaise option en privatisant la Sonacos ». Il va plus loin en proposant comme rectificatif que le gouvernement « cède la Suneor (ex-Société nationale des oléagineux du Sénégal, Sonacos) aux producteurs au franc symbolique » et mette ainsi ces derniers au cœur du dispositif. De plus, au moment où les cours de l’arachide ont enregistré une hausse de 60% en un an, la situation « n’est favorable qu’à la Suneor qui bénéficie de beaucoup de faveurs », précise l’économiste qui a participé à la réalisation de l’ouvrage d’ActionAid.
Il s’agit entre autres, d’avantages qui lui permettent d’exporter de l’huile végétale. Pour le président du Cadre de concertation des producteurs d’arachide (Cppa), El Hadji Ibrahima Niasse, la solution ne saurait venir que « d’une reconstitution du capital semencier, d’une restauration des sols et de la mise à disposition des paysans d’un matériel agricole performant ».
Toutefois, de telles actions se heurtent « au contexte néo-libéral international » prôné par l’Organisation mondiale du commerce (Omc). Par ailleurs, une des grosses contraintes que rencontre la filière reste la commercialisation. En effet, face à des huiles de substitution de moindre qualité, l’huile d’arachide du Sénégal, d’excellente qualité, voit son marché se rétrécir de plus belle. D’où l’importance, souligne Moussa Dembélé, d’améliorer la productivité et de réorienter les politiques commerciales vers le marché national et sous-régional. L’ouvrage que vient de publier Actionaid se veut ainsi une contribution au débat sur l’arachide. Les auteurs souhaitent que le gouvernement se saisisse de l’opportunité de sa parution pour instaurer un dialogue direct avec l’ensemble des acteurs, afin de redresser l’un des secteurs, jadis le plus dynamique de l’économie primaire de ce pays.
Source : Le quotidien du 05 mars 2008