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Cheikh Nguane, président de l’Onapes sur la Goana : ‘Il faut une bonne combinaison des facteurs de production’

Publié le 9 mai 2008

Il n’y a pas de secret pour réussir la Goana. Pour le président de l’Organisation nationale des producteurs et exportateurs des fruits et légumes (Onapes), la réussite du programme du président Wade passe par une bonne combinaison des facteurs de production et la mise en avant des vrais acteurs de l’agriculture. Dans l’interview qu’il nous a accordée en marge de la présentation de la base de données de l’Agence sénégalaise de promotion des exportations (Asepex), Cheikh Nguane déplore la non-implication des entreprises dans la conception de cet outil où elles devaient être la porte d’entrée.

Wal Fadjri : Comment se comporte le marché des exportations ?

Cheikh Nguane : Le Sénégal se comporte très bien du point de vue du développement en volume des exportations des fruits et légumes. Je dis bien en volume parce que, derrière, il y a toute une complexité dans la vie des entreprises. Il est vrai que ce développement est lié à l’arrivée des grosses pointures qui s’installent au Sénégal. C’est lié aussi à la diversification de la gamme des produits exportés et des marchés de destination. Mais derrière, il y a quand même une situation assez difficile des entreprises d’exportation qui courent toujours derrière des contraintes de financement, de cherté des intrants, de logistique, de formation, de conformité au marché, aux lois et règlements internationaux. Mais c’est la logistique qui pose le plus de problèmes. Le Sénégal, depuis des années, exporte en fruits et légumes plus par le bateau que par l’avion. Et nous commençons à vivre cette tension au niveau du bateau où, en tout cas pour cette année où la campagne de contre-saison s’achève, nous avons revécu le syndrome que nous connaissions dans l’avion puisque le fret maritime a manqué terriblement. Et cela a posé d’énormes problèmes aux exportateurs. A côté des capacités de l’offre qui étant insuffisante, nous avons aussi quelques problèmes au niveau de certains ports en Europe. Surtout en Espagne où nous avons des problèmes d’accès aux ports qui sont peut-être liés à des paramètres que nous ne maîtrisons pas. Nous accédons, il faut le dire, aux ports de France, de Belgique ou de la Hollande. Toutes ces contraintes font que, à côté du développement des volumes d’exportation, il y a une préoccupation et une fragilité des sociétés qui demandent à être plus soutenues pour être beaucoup plus rentables.

Wal Fadjri : Quel est le volume actuel des exportations. ?

Cheikh Nguane : Il dépasse les 20 000 tonnes sur les trois années, fruits et légumes confondus. Cette année encore, cela va dépasser les 20 000 tonnes. Et il faut noter qu’il y a une présence du Sénégal sur le marché européen toute l’année.

Wal Fadjri : Est-ce que c’est pour toutes les spéculations ?
Cheikh Nguane : Sur beaucoup de spéculations. Le haricot est presque dépassé à part les tomates cerise, même s’il reste encore un produit fort au Sénégal. Mais à côté, il y a les melons, les maïs, les poissons qui sont en train de monter. Et puis, il y a la mangue qui continue de faire son chemin.

Wal Fadjri : La mangue a-t-elle de l’avenir pour cette année ?
Cheikh Nguane : La mangue va encore être là cette année. Mais du point de vue de son volume, ça dépend du temps qu’elle mettra. Je veux parler de l’installation précoce ou tardive de la pluie, de l’abondance de celle-ci dans les zones de production. Ce sont des facteurs qui peuvent influer sur la campagne de mangues. Mais le comportement au niveau des arbres laisse présager une bonne campagne de mangues.

Wal Fadjri : En tant qu’expert de l’agriculture, qu’est-ce que la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana) vous inspire ?

Cheikh Nguane : Avant que ce programme ne soit lancé, j’ai déjà dit et répété que le problème du Sénégal, c’est que nous ne produisons pas suffisamment. Nous ne produisons pas d’ailleurs. Sur tous les produits agricoles que vous prenez, nous manquons de production. Aujourd’hui, ce programme est encore plus valable parce que ça touche des produits pour lesquels nous sommes dépendants du marché international. C’est par exemple le cas du riz. La solution du riz viendra dans la production nationale. Nous ne pouvons pas résoudre le problème de la filière riz si nous ne produisons pas suffisamment ce produit au Sénégal. Et c’est valable pour les autres cultures. Ce programme aura le mérite de placer le Sénégal dans une production. Mais ce n’est pas par un décret que cela va se faire. L’agriculture est un métier. C’est d’ailleurs toute la pertinence de la loi d’orientation agro-silvo-pastorale qui prévoit de créer les métiers de l’agriculture. L’idée de vouloir mobiliser tout le pays est là. Mais tout le pays ne peut pas être agriculteur.
Wal Fadjri : Quels sont, selon vous, les préalables pour le succès de ce programme ?

Cheikh Nguane : Il faut essayer de valoriser ceux qui ont choisi d’être des agriculteurs, les mettre dans les conditions de beaucoup produire et de mieux produire. En plus de cela, une production en grandeur nature passe d’abord par l’accès à la terre, à l’eau et surtout des semences disponibles et de qualité. Comme tous les pays qui ont réussi en passant par l’agriculture, le Sénégal doit passer par là et créer les conditions de production. La réalisation des infrastructures de production que sont les aménagements structurants, les pistes de production, les éléments d’irrigation et de pompage doivent d’abord revenir à l’Etat. Et avec des cahiers de charge et des conditions d’installation, les producteurs, gros ou petits, peuvent s’installer et produire. Il faut faire une bonne combinaison des facteurs de production pour réussir le programme. Et cela passera par une bonne organisation de la production. Mais il faut toujours mettre en avant les vrais acteurs de l’agriculture parce que tout le monde ne peut pas, encore une fois, même en étant un natif du village, être un agriculteur. On dit souvent que 70 % de la population est rurale. Je suis d’accord. Mais tous les ruraux ne sont pas des agriculteurs.

Wal Fadjri : Vous avez eu à déplorer l’absence de l’implication des entreprises dans la conception de la base de données de l’Agence sénégalaise de promotion des exportations (Asepex). Qu’en est-il exactement ?

Cheikh Nguane : Nous avons reçu un courrier de l’Asepex qui introduisait l’équipe de consultants pour nous informer effectivement de cela. Mais nous n’avons pas rencontré par la suite cette équipe ni au niveau de notre organisation, ni en entreprise. C’est pourquoi j’ai dit qu’il y a des données officielles, il y a le patronat, mais une base de données qui cherche à faire le tour d’un environnement doit passer par les acteurs principaux que sont les entreprises. Nous sommes aujourd’hui confrontés, par rapport au marché international, en tout cas dans les fruits et légumes, à deux règlements de l’Union européenne (Ue). La 430 Ue qui est un règlement relatif au contrôle de conformité au départ que l’Ue nous a accordé depuis mars 2006 et que nous tardons à rendre opérationnel. Et nous ne pouvons pas continuer à différer la mise en application de ce règlement. Tout comme la mise en application de la 882 qui est un autre règlement que nous devrons affronter pour nous maintenir dans ce marché. Pour mettre en œuvre ces deux règlements, nous avons besoin d’avoir une visibilité au niveau des acteurs. Aujourd’hui, le calendrier de la mise en œuvre et des activités a mis en priorité la conception de la base de données et le répertoire des exportateurs. Il ne suffit pas d’avoir un listing et de savoir ce que les gens ont exporté. Nous devons aller au-delà de ça. Nous devons avoir le maximum de données autour de l’entreprise pour pouvoir organiser le système de contrôle au Sénégal. Il faut savoir comment l’entreprise est structurée au niveau de la gestion de son offre individuelle pour ensuite remonter sur l’offre globale du Sénégal. Cela va dans le dispositif de production, celui de collectif, le dispositif de conditionnement, etc. Et toutes ces informations-là ne sont pas encore dans la base de données.

Wal Fadjri : Pourquoi tarde-t-on à rendre opérationnels les règlements de l’Ue ?

Cheikh Nguane : Nous sommes très en phase avec les règlements de l’Ue. Jusqu’ici, le contrôle de conformité se faisait à l’entrée du marché de l’Europe. Mais voilà que la Commission européenne vient de décider pour le Sénégal, comme pour le Maroc, le Kenya et l’Afrique du Sud, de nous donner la prérogative de faire ce contrôle au départ. Ce qui nous éviterait de faire un contrôle à l’arrivée, en tout cas de façon systématique. Parce que les services de l’Ue, en observant le comportement des produits en provenance du Sénégal, s’est rendu compte qu’il y avait un respect à un niveau très satisfaisant des critères commerciaux de conformité. Mais au niveau national, nous devons veiller à mettre de façon officielle et opérationnelle ce dispositif qui est encore informel.

Source : Walfadrji du mercredi 07 mai 2008

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