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Dr Madiama Cissé chercheur à l’ISRA “Le Sénégal a des atouts d’un grand producteur de blé”

Publié le 17 avril 2008

A l’instar de nombreux pays de la sous-région, la culture du blé a gagné le Sénégal depuis quelques années. Cependant, les superficies exploitées et la quantité cultivée restent à ce jour, très faibles. Selon le Docteur Madiama Cissé, chercheur à l’ISRA, la Vallée du fleuve Sénégal possède des potentialités immenses et avec une volonté politique réelle de l’Etat, notre pays pourra être un grand producteur de blé.

Dr Cissé, vous êtes chercheur à l’ISRA, est-ce que vous pouvez nous parler du programme blé, qui a été entamé depuis quelques années ?
Nous avons aujourd’hui beaucoup de problèmes qui subsistent en Afrique par rapport aux différentes céréales, telles que le riz, le maïs, le blé entre autres. Cela montre que notre pays devrait pouvoir travailler à faire ce qu’on appelle « produire pour manger et manger ce qu’on produit ». C’est dans ce cadre-là que nous avons mis en place, il y a trois ans, un programme de recherches, pour permettre de revisiter les connaissances sur la culture du blé dans la Vallée du fleuve Sénégal et proposer des technologies appropriées aux producteurs de la Vallée et de l’Anambé. C’était l’objectif du programme de recherches qui a été récemment visité par le ministre de l’Agriculture et de l’Elevage.
Est-ce qu’on peut avoir une idée sur les superficies réservées à cette culture ?

Nous avons effectué un programme de recherches sur une dizaine d’hectares répartie entre la station expérimentale de Fanaye, située à 160 km de Saint-Louis, et Ndiole où nous avons eu quatre hectares. Ces dix hectares ont permis d’évaluer le matériel végétal qui est mis à notre disposition et qui provient du Maroc et d’autres variétés que nous avons pu obtenir du Mexique qui sont en train d’être évaluées dans le but d’augmenter le paquet. Pour ce qui concerne les besoins du Sénégal en blé actuellement par rapport à la demande, il faudra quelque chose comme 75.000 hectares et cela ne se produit pas comme ça. Il faut un ensemble de connaissances, la maîtrise de la culture par les producteurs, par l’encadrement. C’est la raison pour laquelle on s’est dit, par rapport au programme de recherche, qu’il faut débuter ces travaux. Maintenant, nous pensons que la culture du blé est possible car on a un paquet de technique qui nous permet de démarrer la culture au Sénégal. Par rapport à la planification pour pouvoir résorber progressivement le gap, il appartient à l’Etat de prendre des dispositions à côté des agriculteurs, de la recherche et des structures de développement, pour mettre en place un programme qui permettra aux Sénégalais de combler ce gap.
Est-ce que la zone ciblée pour cette culture dispose de ressources hydriques et de conditions agro-climatiques favorables ?
Du point de vue du comportement, avec la culture qu’on a eu à mener jusque-là, la récolte devrait être terminée à Fanaye. Donc techniquement, la culture du blé est possible. L’eau est disponible dans la Vallée, car cette zone dispose non seulement de ressources hydriques, mais les conditions agro-climatiques y sont très favorables. Ce qui reste maintenant, c’est une question de moyens. L’Etat s’est engagé non seulement pour le riz, mais aussi pour augmenter au niveau de la Vallée, les superficies qui sont aménagées. Donc, en termes de superficie, si on augmente les superficies cultivées au niveau de la Vallée par des investissements de l’Etat, la culture du blé y aura sa place. Techniquement c’est possible. Il va falloir cependant mettre à la disposition des structures de développement et des producteurs les connaissances qui sont acquises et notre expérience.
Combien de variétés de blé sont prévues ?
Le travail que nous avons initié porte essentiellement sur l’évaluation d’une dizaine de variétés venues du Maroc pour leur performance en termes de rendement. Il va falloir préciser les niveaux de performances.

Mais il ne faut pas oublier que l’objectif qui est visé pour ces différentes variétés est qu’une variété choisie soit capable de donner une bonne qualité de farine ; si cette variété doit être indiquée pour la fabrication du pain. Cela veut dire tout simplement qu’en dehors des potentialités de ces variétés, il y a un travail qui se fait en post-récoltes avec un certain nombre d’analyses. On vient juste de terminer les récoltes et notre travail à partir de ce moment là, c’est d’évaluer ces variétés que nous avons eu à suivre pour préciser leurs performances non seulement agronomiques, mais aussi technologiques qui vont venir après. C’est donc à la suite de cela que trois à quatre variétés parmi ce lot, vont être choisies pour les producteurs de la Vallée
Est-ce qu’il y a des possibilités de culture toute saison ?
Pour l’instant, par rapport aux testes que nous sommes entrain de faire, la culture du blé est réservée à la contre saison froide. Cela veut dire qu’avec à peu près des semis qui interviennent au mois de novembre, durant la période fraîche. Il faut également préciser que la science a beaucoup évolué. Il y a un centre de semis international qui travaille sur la question de l’amélioration de la culture du blé et du maïs au niveau du Mexique, qui, ces dernières années, travaille sur un certain nombre de variétés qui devraient être assez tolérantes par rapport aux températures élevées ou adaptées aux conditions de cultures intensives. On a aujourd’hui plus de 75 variétés qui sont en observation au niveau de Fanaye et qui sont indiquées pour les cultures intensives ; on va pouvoir en sortir quelques unes qui sont adaptées à la Vallée. Il y a aussi une quarantaine que nous avons obtenue et qui ont été sélectionnées pour leur tolérance aux températures. Après donc le matériel marocain qui est adapté pour la contre saison froide, on va essayer d’évaluer la capacité de ces variétés là.
La culture du blé présente-t-elle des contraintes phytosanitaires ?
Il faut dire qu’avec ce qu’on a fait cette année au niveau de Fanaye, les observations nous ont indiqué qu’il n’y avait pas, pour cette année, des contraintes phytosanitaires majeures, parce qu’après observation des différentes variétés, il n’a pas été constaté aucune application de produit phytosanitaire si ce n’est le traitement contre les mauvaises herbes. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas plus tard, lorsqu’il va falloir faire la culture à grande échelle sur de grandes superficies au niveau de la Vallée. Il faudra s’y préparer. Cela veut dire que les différentes variétés que nous avons, devront être observées et cela relève de la compétence d’autres structures de recherche qui s’occupent de la protection des végétaux qui vont inéluctablement s’intéresser à cette question et proposer des mesures d’accompagnement. Et même s’il n’y a pas d’attaque, que l’on fasse une protection préventive, faire en sorte de protéger la culture.
Est-ce qu’on peut dire que le blé est en terrain connu ?
Il est très difficile de parler de terrain connu. Mais je rappellerai tout simplement que dans les années 70 voire 80, la recherche s’est intéressée à la question. Il y a même eu quelques tentatives d’introduction au niveau de la Vallée. Cela veut dire que du point de vue de l’expérience, le Sénégal avait senti l’intérêt que pouvait porter cette culture dans la Vallée. On connaissait à cette époque plusieurs variétés dont celle mexicaine qui était donc la plus recommandée. Donc historiquement, le blé, du point de vue scientifique, n’est pas inconnu, mais le Sénégal n’a jamais connu un développement assez fulgurant de cette culture pour occuper des superficies. Cela veut dire que quelque part, au niveau du transfert, de l’accompagnement et de l’engagement des décideurs à l’époque, il n’y avait pas eu le relais nécessaire pour pouvoir nous permettre une culture à grande échelle au niveau de la Vallée. Maintenant, ce qu’on est en train de faire est de revoir ces connaissances et on espère que dans quelques années les paysans de la Vallée et du Sénégal, seront capables de faire du blé, avec des performances qui avoisinent celles du riz.

Source : Le soleil du 16 avril 2008

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