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Moubarack LO, économiste : ‘Pourquoi je suis favorable à la signature des Ape’

Publié le 16 avril 2008

Dans la fièvre ‘anti-Ape’ ambiante qui s’est emparée de certains politiques et économistes, d’autres voix s’élèvent pour plaider la signature de ces accords de libre-échange avec l’Europe. C’est le cas de l’économiste Moubarack Lô, diplômé de sciences politiques et ancien conseiller technique des précédents Premiers ministres du temps des socialistes et aux premières de l’alternance. Dans l’interview qu’il nous a accordée, Moubarack Lô déclare à qui veut l’entendre : ’Je suis pour les Ape’.

Wal Fadjri : Les pays membres de la Cedeao doivent-ils parapher les Ape ?

Moubarak Lô : Je suis pour la signature de ces Accords de partenariat économiques (Ape). Pour une raison bien simple : ils vont pousser nos économies à rechercher la productivité et la compétitivité parce que la protection des unités de production les incite à faire moins d’efforts. Le fait de signer les Ape va donc pousser nos pays à mieux organiser la production, à améliorer l’environnement des affaires qui va être positif pour la croissance. C’est pour ces raisons que je suis favorable à la signature des Ape. Cependant, il faudra y émettre certaines conditions, notamment une feuille de route que nous-mêmes, en tant qu’Africains, allons rédiger, pour pouvoir demander des compassions pour les pertes de recettes à court terme. Et surtout demander à l’Europe qu’elle opère un transfert de technologie. Beaucoup de technologies sont considérées comme obsolètes en Europe, mais les Africains en ont besoin. Il faut savoir organiser le transfert. Je cite souvent le cas de la pêche avec des bateaux pour pêcher le thon. Nous aurons besoin des bateaux européens, cela peut être organisé à travers la commission européenne. D’autre part, il est aussi démontré que le commerce libre favorise la croissance. Les analyses économiques statistiques qui ont été menées à travers le monde, démontrent que les pays ouverts au commerce mondial ont en moyenne des taux de croissance plus élevés que les pays fermés au commerce mondial ou qui dressent des barrières.

Wal Fadjri : Mais la signature des Ape est-elle conforme à la vision africaine du développement ?

Moubarak Lô : Le fait de signer les Ape fait partie de la vision africaine pour son développement si elle aspire à devenir demain une zone compétitive, émergente, qui n’aura plus besoin de la protection ou l’aide des pays développés. Il nous faut anticiper et travailler sur le futur. Aujourd’hui, refuser les Ape pour moi, c’est refuser l’émergence demain. Si nous le faisons, nous allons rester un pays pauvre, endetté, affaibli. Et cela, les générations qui vont venir, ne doivent pas l’accepter. C’est à nous de refuser ce scénario d’une Afrique défaitiste, qui, d’emblée, rend les armes et demande un appui extérieur.
Wal Fadjri : Le Sénégal rejette les Ape. Cela engendrera-t-il des pertes économiques pour ce pays ?
Moubarak Lô : Le Sénégal est dans une situation assez bizarre. Nous sommes les premiers à débattre sur les Ape, alors que nous ne sommes pas concernés. Car depuis le 1er janvier 2008, nous sommes versé dans le système dit ‘Tsa’ (Tout sauf armes). Ape ou pas, nous continuons à emmener nos produits sur le marché européen sans droits de douane ni quotas. Ce qui n’est pas le cas de la Côte d’Ivoire ou du Ghana qui sont classés comme des pays en développement. Nous sommes classés comme des Pays moyens avancés (Pma), ce qui veut dire que nous avons ce qu’on appelle une bonne alternative. Quand vous allez dans une négociation et que vous n’avez pas une bonne alternative à l’accord qu’on vous propose, vous allez négocier en position de faiblesse. Ce qui n’est pas le cas du Sénégal. A la limite, la menace qu’il peut recevoir de l’Europe, c’est l’application du système généralisé des préférences. La Côte d’Ivoire n’a pas voulu tomber dans ce piège, c’est pourquoi elle a signé un accord intérimaire comme le Ghana. Mais nous ne sommes pas dans ce cas. Nous menons un combat qui n’est pas le nôtre. Ce qui n’est pas normal. Notre devoir est de soutenir les pays en difficulté comme le Ghana, la Côte d’ivoire et le Cap-Vert pour arriver à un accord partiel avec l’Europe. Sinon, c’est la Cedeao qui va éclater. Les pays africains doivent accorder leurs expertises et leurs arguments. Ils doivent également développer une position commune harmonisée pour conclure avec l’Europe.

Wal Fadjri : Le Sénégal devrait-il alors changer sa stratégie ?

Moubarak Lô : Dans le langage politique, on mène toujours la gestion d’urgence politique qui est une stratégie de communication. Mais, pour ce qui est de quitter le terrain des Ape, la substance vient d’ailleurs. Cela, il faut l’accepter et considérer que c’est cela le jeu politique. Mais, aujourd’hui, la meilleure stratégie du Sénégal, c’est de renforcer la Cedeao, de venir avec des arguments, comme, par exemple, réclamer le transfert des technologies. Cela d’autant plus que notre pays est à l’aise, parce que nous ne sommes pas menacés. Ce qui doit nous pousser à être plus créatifs qu’un pays qui est sous pression. Nous sommes donc plus aptes à donner des idées pour des Ape qui peuvent être bénéfiques pour l’Afrique.

Source : walf du 18 février 2008

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